Chaque mois, Aurore Perrin, notre experte en investissem*nts, conseille une lectrice sur une question financière. Aujourd’hui, Louise, 37 ans, aimerait mieux comprendre et contrôler l’impact de son épargne. Elle a un livret A et une assurance-vie dans une grande banque française, mais réalise qu’elle ne sait pas vraiment comment est utilisé l’argent qu’elle a placé dessus.
«Chère Aurore,
J’ai lu récemment que la manière dont est investi notre argent représente une grande part de notre empreinte carbone. Au quotidien, j’essaie d’être vigilante pour limiter mon impact environnemental, dans mes comportements, mes modes de consommation. J’aimerais donc, en toute logique, mieux organiser mon épargne pour qu’elle soit en cohérence avec mes choix. Pourriez-vous m’aider à démêler ce sujet pour que j’y voie plus clair?»
«Chère Louise,
Votre question tombe à pic, tout d’abord parce qu’elle est très pertinente, mais aussi, et c’est d’ailleurs peut-être ce qui a provoqué votre question, parce que se tenait justement, il y a quelques jours, en France, le sommet pour le nouveau pacte financier mondial.
Avant d’entrer de manière très concrète dans la manière dont vous pouvez agir à votre échelle pour mieux contrôler l’impact de votre patrimoine, je vous invite à prendre quelques minutes pour faire un état des lieux rapide du rapport entre finance et impact et comprendre les grands défis qui se cachent derrière.
Qu’est-ce que la finance à impact
Tout d’abord, le terme d’impact couvre différents domaines. Certains fonds ou labels se spécialisent dans l’un d’eux, tandis que d’autres sont plus transverses. Voici une liste non exhaustive des domaines où l’investissem*nt à impact peut par exemple intervenir:
- Activités environnementales: préservation de la biodiversité, énergies renouvelables, efficacité énergétique, économie circulaire, appui aux filières agricoles… L’investissem*nt à impact environnemental est aujourd’hui en plein essor et cherche constamment des sources de financement.
- Action sanitaire et sociale: en lien avec domaine de la santé. Des projets pour lutter contre les dépendances peuvent également faire l’objet de financement.
- Accès aux transports: permettre à chacun de pouvoir se déplacer vers des lieux culturels, des établissem*nts scolaires, notamment grâce aux infrastructures.
- Accès à l’emploi: pour des populations fragiles et éloignées de l’emploi,etc.
Comment s’organise la finance pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux?
Vous l’avez clairement identifié: la question de la finance à impact est intimement liée à la question plus globale de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et des citoyens. Le chiffre choc de Carbone 4 Finance est très parlant: 25000euros placés dans une grande banque française émettent en moyenne 12 tonnes d’équivalent CO2 par an, là où l’empreinte carbone moyenne d’un Français est de 10t/an.
Choisir la manière dont on épargne est donc loin d’être accessoire. Cependant, la mise en pratique n’est pas forcément si simple.
La première chose à comprendre est que la question de l’impact écologique de la finance n’est pas uniquement à analyser au travers du prisme de son activité en elle-même. Étant une activité de service, elle a un impact polluant qui n’est pas nul (par les outils qu’elle utilise, les systèmes informatiques et ressources qu’elles consomment), mais qui reste négligeable.
La finance est avant tout intéressante à considérer pour son impact sur l’économie réelle. Si un organisme financier choisit d’investir ou de ne pas investir dans un projet ou une entreprise, alors il a un effet d’accélérateur ou de frein sur ce même projet. Ce qui va déterminer son investissem*nt va être lié à deux facteurs:
- Sa capacité à collecter de l’argent à investir: la somme qu’il rassemble pour ce projet, via des particuliers ou des investisseurs institutionnels (banques ou assurances).
- Sa volonté d’investir dans le projet, elle-même motivée par l’espérance de gain qu’il lui associe, les risques qui peuvent l’entraver, et sa cohérence dans une stratégie globale qui peut rassembler des critères comme le choix du type d’activité, du secteur géographique… et de critères sociaux et environnementaux.
La prise en compte de ces derniers points, que l’on qualifie de « critères extra-financiers» est relativement récente dans l’analyse des investisseurs. C’est donc une approche qui est encore en construction et parfois assez imparfaite. Néanmoins, elle se structure petit à petit et notamment grâce à l’émergence de labels, qui permettent de qualifier une solution de financement sur la base de critères ESG. Il existe à ce jour 4 labels français principaux:
En complément de ces labels, le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Régulation) vise également à accentuer la transparence en matière de durabilité dans le secteur de la finance à l’échelle de l’Union Européenne. Il permet de classer les produits financiers par catégories: article6, 8, 9…
Par exemple, un produit dit «article6» se limitera à faire preuve de «transparence de l’intégration des risques en matière de durabilité», un «article8» sera utilisé «lorsqu’un produit financier promeut, entre autres caractéristiques, des caractéristiques environnementales ou sociales» et enfin, le plus exigeant, un «article9» aura «pour objectif l’investissem*nt durable».
Ainsi, si vous souhaitez investir de manière plus responsable, la première étape est de vous intéresser au détail de votre épargne. Plutôt que de souscrire à un livret classique et un peu «fourre-tout» pour lequel vous n’avez pas la possibilité de sélectionner précisément les fonds d’investissem*nt et projets financés, vous pouvez choisir des placements labellisés ou répondant aux critères de l’article9 par exemple. Ces informations figurent généralement dans la documentation contractuelle. Elle est, je le sais, bien dense et peu attractive, mais un «Recherche +F» peut vous aider à trouver les informations qui vous intéressent!
Pour vous simplifier la tâche, vous pouvez aussi utiliser un outil d’analyse de vos placements actuels comme Rift, qui se définit comme le «Yuka de la finance» et permet de scanner votre épargne pour identifier ce qui se cache derrière vos placements. Une bonne première étape pour faire le point sur votre impact.
Et enfin, pour aller plus loin, vous pouvez également vous tourner vers des banques éthiques, comme la Nef, le Crédit Coopératif, ou encore la néo-banque Hélios.»
